La pratique du huis clos ne fait pas consensus au sein des organismes sans but lucratif (OSBL). Le recours au huis clos statutaire, préconisé pour les conseils d’administration (CA) des entreprises inscrites à la Bourse, rencontre de la résistance auprès des gens qui possèdent de l’expérience à la tête d’OSBL.
Rappelons d’abord en quoi consiste le huis clos statutaire. Il s’agit d’une pratique par laquelle les administrateurs , ainsi que les membres d’un comité du CA, réservent de manière statutaire une partie de leurs réunions afin de pouvoir échanger en l’absence des employés et observateurs. En vertu de cette pratique, une séance à huis clos est inscrite de façon automatique à l’ordre du jour de toutes les réunions.
Je crois qu’il est imprudent d’importer certaines pratiques de gouvernance des entreprises à but lucratif pour les appliquer mécaniquement au contexte des OSBL. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai écrit, en collaboration avec Jean-Paul Gagné, l’ouvrage Améliorez la gouvernance de votre OSBL, un guide pratique. Les OSBL affichent des particularités qui rendent improductives certaines pratiques de gouvernance des sociétés cotées en Bourse.
Les leaders d’OSBL expérimentés savent que le huis clos statutaire mine très souvent le lien de confiance qui doit exister entre un CA et son équipe de direction. Si un administrateur est insatisfait ou mécontent pour quelque raison que ce soit, il devrait s’exprimer en présence des gens qui sont au cœur du fonctionnement de l’OSBL, en l’occurrence le directeur général et son équipe. La séance à huis clos dans les OSBL offre parfois une tribune à des administrateurs qui n’ont pas le courage de leurs opinions, qui tiennent des propos inexacts (qui ne peuvent pas être contredits par le directeur général car il est absent) et qui, dans certains cas, profitent de l’absence du directeur général et des employés pour mener, à armes inégales, des jeux de pouvoir qui peuvent nuire aux intérêts supérieurs de l’organisation.
Lors du Forum OBNL, tenu à Montréal en février 2016 par l’Institut des administrateurs de sociétés, les nombreux leaders d’OSBL présents ont réagi fort négativement lorsque la pratique du huis clos statutaire a été évoquée lors d’une période de questions. J’ai alors constaté que cette pratique n’était toujours pas très répandue au sein du secteur sans but lucratif.
Il va sans dire qu’une séance à huis clos s’impose dans certaines circonstances, notamment pour faire l’évaluation annuelle du rendement du directeur général ou lorsque les administrateurs ont raison de croire que le directeur général ou des membres de son équipe se prêtent à des gestes répréhensibles. Mais si vous parlez à des gens d’expérience, vous entendrez des témoignages à l’effet que la pratique du huis clos statutaire au sein des OSBL engendre bien souvent des résultats désastreux. Les administrateurs qui cherchent à l’appliquer au sein de leur OSBL sont généralement motivés par des intentions louables. Ils devraient toutefois y penser sérieusement avant d’adopter une pratique susceptible de faire plus de tort que de bien.
Daniel Lapointe
29 août 2016